Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01 décembre 2016

Quand les rêvent volent bas

S’il est un mot que j’ai plus de peine à voir galvaudé que d’autres par les illusionnistes de la communication institutionnelle ou d’entreprise, c’est bien le mot rêve auquel ma nature sentimentale n’attache pas de prix. Or en ce monde où tout est marchandise, le rêve n’échappe plus à l’étiquetage du produit de consommation qu’il est depuis longtemps devenu.

culture,saison culturelle d'oyonnax,spectacle,nouvelles du front,humeur,opinion,billet d'humeur,oyonnax,centre culturel aragon d'oyonnax,blog littéraire de christian cottet-emard,jean-françois zygel,vulgarisation,classique,musique classique,communication,publicité,langue de bois,démagogie,consensus mou,médiocrité,rêve,rêve galvaudé,mot vidé de sons sens,france,ain,haut bugey,rhône-alpes auvergne

À Oyonnax, par exemple, les étiquettes du produit rêve ont pris la forme de fanions qui flottent au vent au bord des bretelles d’accès à l’autoroute. Il est écrit sur ces chiffons disposés à l’entrée d’une bourgade précisément peu propice aux rêveurs qu’il faut rêver + haut, rêver + fort, rêver + beau, rêver + loin. Cette façon de rêver vendue par la pub et la com m’évoque les rêves français de grande cuisine : moins on a les moyens de se la payer, plus on en cause.

On aurait presque pu croire à une petite poussée de fièvre poétique de la part des prestidigitateurs de la com qui nous ont sorti ces pochettes-surprises de leurs chapeaux s’ils n’avaient pas inséré dans la mièvrerie calculée de leur slogan le signe + en remplacement de l’adverbe écrit en toutes lettres, rappelant ainsi probablement à leur insu qu’à Oyonnax comme ailleurs, les affaires sont les affaires.

Si la poésie du rêve est ici conviée, c’est tout au mieux dans une défroque de représentante de commerce.

Ne rêvons donc pas trop, surtout au cas où cette invitation à rêver + nous amènerait par une association d’idée naturelle à considérer le contenu de la saison de spectacles oyonnaxienne.

Encore une fois, le rêve se fait ici bien pâle, notamment là où il devrait reprendre des couleurs, ce qui hélas n’étonne guère dans un contexte culturel où l’on frisa cette année en début de saison des pratiques de république bananière.

Dans ce morne et chétif alignement de productions interchangeables et démagogiques (qui commença par un curieux mélange des genres avec deux spectacles d’une formation dont le responsable est aussi partie prenante dans l’élaboration de la saison, ce qui n’a semble-t-il choqué personne) je ne vois que deux concerts classiques.

Même en se résignant à l’argument selon lequel une telle sous-représentation du genre suffirait à une bourgade comme Oyonnax, comment ne pas se désespérer de constater que le choix se soit porté non pas sur un simple concert mais sur une soirée de vulgarisation ? Et encore s’agit-il ici du plus mauvais vulgarisateur dans le domaine de la musique dite savante, Jean-François Zygel, le Drucker du classique, l’animateur un peu pianiste de boîte à musique affichant ce sourire télévisuel plus communément appelé rictus qui se croit obligé de présenter le répertoire classique en s’adressant à ses auditeurs comme à des demeurés.

Finalement, le petit étendard arborant le message le plus fiable imprimé par les services de la communication oyonnaxienne est en effet celui qui invite à rêver + loin, un excellent conseil !

 

27 septembre 2016

Le serpent de mer du service militaire obligatoire

service militaire,service civique,service national,conscription,nouvelles du front,blog littéraire de christian cottet-emard,actualité,campagne électorale,élection présidentielle,christian cottet-emardÀ chaque campagne électorale, le serpent de mer du service militaire obligatoire ressurgit. Cette vieille lune n'est qu'un indicateur parmi d'autres de l'indigence des programmes des candidats de droite et de gauche à l'élection présidentielle. On notera au passage, ainsi que cela fut récemment et comiquement rappelé au journal télévisé, que les plus ardents défenseurs de cette ineptie économique et militaire qu'est le service national obligatoire (qu'il soit civil, civique ou militaire, peu importe l'adjectif dont on l'affuble) en ont été exemptés. Je ne citerai parmi eux que Ciotti et Mélenchon pour montrer qu'à droite comme à gauche, on n'a vraiment rien à proposer à la jeunesse déjà bien malmenée de ce pays. L'actualité me donne donc l'occasion de remettre en ligne cet article que j'avais publié le 1er février 2006.  

Service national obligatoire : à qui profitent les émeutes ?

La vieille nostalgie franchouillarde du service militaire obligatoire hante toujours les recoins les plus moisis de certains esprits.
L’hebdomadaire “La Vie” (dont on se demande pourquoi il a renoncé à son nom d’origine (“La Vie catholique”) lance une pétition en faveur d’un service civique obligatoire, appel abondamment relayé par son grand frère Télérama, quant à lui bien inspiré de titrer “Mobilisation générale”. (On sent d’ailleurs, je me plais à le croire, un soupçon de scepticisme dans le papier de Luc Le Chatelier). Car il ne faut pas s’y tromper, malgré leur empressement à préciser “qu’il ne s’agit pas d’une quelconque nostalgie du service militaire”, ceux qui ont enfourché ce serpent de mer n’ont rien d’autre dans la tête, à l’exception des journalistes compromis dans cette initiative grotesque. Ces derniers, en professionnels aguerris, savent bien de quel engrais nourrir le pré carré de leurs chiffres de vente.
La liste des premiers signataires, publiée dans Télérama, parle d’elle-même et nous permet de constater une fois encore qu’il n’existe plus ni gauche ni droite dans ce pays, tout au plus un “centre” mou et baladeur dont les notables sont si désemparés qu’ils s’en trouvent réduits à aller fournater dans le magasin des accessoires les plus mités. Car le service national obligatoire (militaire ou non) est une vieille lune à peine éclipsée. Il est d’ailleurs utile de rappeler que la gauche avait engrangé des voix en promettant sa suppression, promesse qu’elle ne tint évidemment jamais puisque ce fut la droite qui passa aux actes.
On notera au passage le glissement rapide qu’a connu, entre l’automne et l’hiver, l’idée d’un service civique ou civil “volontaire” vers sa version “obligatoire”. Que va nous réserver le printemps ? Un nouveau glissement de “civique” ou “civil” (ah la subtilité du français !) vers “militaire” ? Encore tout récemment, la gauche ne s’est pas gênée pour exprimer son attachement à la conscription (Gremetz dans les couloirs de l’Assemblée Nationale et Hollande dans les colonnes du Monde, pour ne citer qu’eux).
La crise des banlieues, bon prétexte à ce regain d’ardeur à appeler la jeunesse sous les drapeaux, vaut donc à cette même jeunesse déjà bien malmenée par de croissantes difficultés dans ses tentatives de se construire une vie décente dans la société, un retour de bâton supplémentaire, celui de se retrouver avec l’épée de Damoclès du “service” sur la tête. Tous ceux qui ont connu cette époque du service national obligatoire se rappellent à quel point il était inadapté, foncièrement inégalitaire et handicapant au moment de l’entrée dans la vie professionnelle.
Sous prétexte qu’une frange de voyous sans foi ni loi s’en sont pris au bien public, c’est-à-dire à leur propre bien, et qu’ils ont incendié des autos dont les propriétaires n’avaient pas la chance de posséder un garage comme leurs compatriotes aux fin de mois moins difficiles, on pétitionne pour punir tout le monde. Dans cette affaire, on mesure l’inquiétant désarroi des élites qui nous gouvernent depuis trente ans avec une gauche qui est une véritable usine à recycler les utopies en cauchemars et une droite confite dans son obsession économiste. Cette gesticulation serait simplement pathétique si elle ne risquait pas de tourner au tragique en 2007, date à laquelle il sera dangereux de refaire aux électeurs le coup de “l’après 21 avril 2002.”
Quant au salmigondis qui tient lieu de manifeste à l’appel lancé par La Vie catholique, on y retrouve toutes les hypocrisies, disons même les prêches d’inspiration “Sabre et Goupillon” qui justifiaient en son temps le maintien aberrant du service militaire obligatoire : parodie de mixité sociale (comme si un an de caserne suffisait à faire oublier le faramineux écart économique et culturel entre les riches et les pauvres) et référence archaïque au sacrifice (pudiquement voilée de formules telles que “donner de son temps” ou, en version plus inquiétante, “contribution constituée par une part de notre vie d’homme, de femme”). Nous voilà prévenus : la caserne, ce sera aussi pour les filles. Quant aux belles notions de don, de gratuité et d’engagement, n’est-ce pas un comble de les voir si généreusement promues par des élites qui conçoivent et qui gèrent un système où tout est marchandise et qui prospèrent dans un monde où tout s’achète et se vend, notamment le temps, luxe suprême de plus en plus âprement négocié ? Ce fameux monde du travail où le dégagement est plus rapide que l'engagement...
Vous avez dit “mobilisation générale” ? Oui, contre le service obligatoire, qu’il soit civil, civique ou militaire ! Menaçons de retirer nos voix à tous les partis de gauche comme de droite qui persisteraient à vouloir agiter ce vieil épouvantail. Car sachons-le, en cas d’instauration d’un service national civique obligatoire, tout accès de fièvre bien prévisible dans un coin de la planète où la classe dominante jugera son petit commerce menacé aura tôt fait de le transformer de fait en service militaire.

 

 

11 septembre 2016

Carnet / Du 11 septembre 2001, des drones et de la guerre d’aujourd’hui

carnet,note,journal,prairie journal,écriture de soi,opinion,11 septembre 2001,guerre,drone,nouvelles du front,blog littéraire de christian cottet-emard,défense,sécurité,ennemiPourquoi inventons-nous de nouvelles armes ?

Pour réduire les pertes dans notre camp et pour augmenter l’efficacité contre l’ennemi. Cette évidence, rappelée lors d’un intéressant débat télévisé sur le thème des drones, permettait de relativiser les cris de vierges effarouchées de ceux qui affirment sans craindre le ridicule que ces machines rendent la guerre inhumaine, cet adjectif étant ici à considérer dans le sens de cruel.

Si la guerre est effectivement cruelle, elle ne peut être inhumaine puisqu’elle est hélas toujours menée par des humains, qu’ils opèrent sur le champ de bataille en contact direct avec l’ennemi ou à des milliers de kilomètres de leurs cibles. Dans cette seconde option, pour qui dispose de l’armement requis, le but est bien de minimiser les pertes et d’augmenter l’efficacité, ce qui constitue l’évolution prévisible de la doctrine militaire des puissances occidentales.

Un général qui intervenait dans ce débat a fort opportunément précisé les raisons de cette évolution principalement liée à la baisse des effectifs (il n’est aujourd’hui heureusement plus question d’engager des millions de soldats comme dans les anciens conflits) et à un assez récent rapport à la guerre des démocraties modernes : les opinions publiques des pays occidentaux riches et développés considérant à juste titre la mort au combat d’un soldat, même d’un soldat professionnel, comme un drame national, l’armée est obligée de se doter de technologies pour s’adapter à cette nouvelle donne.

Qui pourrait se plaindre de cette évolution caractéristique des sociétés occidentales, notamment de la part de commandements militaires jadis peu soucieux des hécatombes dans leurs propres rangs lors des précédents conflits ?

Le temps n’est pas si loin où, dans nos démocraties pourtant évoluées, la société civile considérait qu’il était normal de mourir au combat, qu’un jeune homme sous les drapeaux n’appartenait plus à sa famille mais à l’armée et qu’il n’était donc même plus question pour lui de vie privée.

En attendant que la guerre soit bannie du fonctionnement humain, si l’on peut toujours rêver que cela puisse advenir avant la disparition de l’humanité, l’Occident n’a pas d’autres choix, dans le contexte international de ce début de 21ème siècle, que de prendre une avance rapide et permanente dans le développement de cette nouvelle génération d’armes dont on peut espérer que la capacité offensive apporte un prolongement et un complément à la doctrine de la dissuasion nucléaire. Celle-ci a fait ses preuves durant la deuxième moitié du 20ème siècle mais elle n’est adaptée que face à un ennemi qui pense comme nous.

Or nous sommes désormais en présence d’un ennemi aux critères et aux raisonnements radicalement différents des nôtres face auquel la supériorité technologique affichée par les drones et autres systèmes d’intervention ponctuelle et ciblée est aussi décisive que la force massive de dissuasion.

 

Chaque 11 septembre, me revient en mémoire la réaction glaçante d’une vieille copine (qui ne l’est plus, du reste) rencontrée dans un magasin pendant l’annonce de la catastrophe en boucle dans les médias. J’avais appris la nouvelle à la fin de ma journée de travail, en remontant des archives où j’étais complètement isolé de l’extérieur. J’étais inquiet. Un de mes cauchemars récurrents, le déclenchement de la troisième guerre mondiale, revenait me hanter.

Là-dessus je rencontre cette fille, style vaguement flower-power, peace and love, qui écrit des poèmes, à qui je fais part de ma stupeur et qui me répond d’un air badin et avec un mauvais petit sourire par une phrase que je ne citerai pas tant elle était totalement dénuée de la moindre compassion pour les victimes de cet acte barbare mais représentative de l’anti-américanisme le plus ridiculement primaire.

J’y repense chaque 11 septembre, date si sinistre pour nos amis américains et pour l’ensemble de l’Occident qu’en 2004, le jour envisagé de mon mariage étant le 11 septembre, j’ai préféré le programmer le 4.